Vêtue d’un pantalon taille haute aux imprimés fantaisistes, chaussée d’une paire d’escarpin en tissu rouge, Caroline Bourgine est une jolie brune aux yeux verts qui a le chic et l’élégance naturelle d’une Claude Pompidou des années 60.
A 26 ans, elle est à la tête d’une ligne de vêtements tout aussi chic que fantasque. Caroline Bourgine nous a reçu dans son atelier boutique de la rue Racine, dans le 6e arrondissement.
Un peu femme-enfant, c’est en se remémorant ses souvenirs de jeunesse que Caroline Bourgine évoque son rapport aux vêtements. Elle dit avoir toujours eu un style particulier et le raconte avec nostalgie : « Mes silhouettes intriguaient, de manière négative ou positive d’ailleurs, et ce qui est un peu effrayant c’est que je m’habille de la même façon depuis toujours, malgré des phases troubles et indescriptibles. Mais je me suis quand même un peu assagie» dit-elle en rigolant.
Elle a été influencée par une partie de sa famille versaillaise, leur « appartement somptueux et défraîchi » mais aussi par sa mère qui s’amusait avec les couleurs et les matières. Elle s’amuse, et ses vêtements chics et drôles sont comme des costumes pouvant révéler ou créer des personnages. Caroline réfléchit longuement avant de nous livrer sa propre vision du chic : « Fantaisie et poésie ». C’est donc ça le chic selon Bourgine ?
Caroline s’amuse avec les matières — des T-shirt en éponge, robes en maille et en soie — les coupes et les couleurs. Ses collections sont à la fois audacieuses et malicieuses.
Rien, à part son goût très prononcé pour le style, ne la prédestinait à créer sa ligne de vêtements. Studieuse et brillante, elle décroche son bac à 15 ans, l’âge auquel peu de jeunes gens ne savent vraiment ce qu’ils voudront faire de leurs vies d’adulte. Elle décide alors de faire « quelque chose de sérieux », rentre en prépa puis en école de commerce. Lasse, elle craque au bout d’une semaine de cours et décide d’écouter ses envies : « Je me suis dit que je ferais bien des vêtements plutôt que des cours de compta. » raconte-t-elle. Elle entre au Studio Berçot puis fait un passage chez APC. Elle se jette dans le grand bain, lance sa première collection en décembre 2014 puis ouvre sa boutique en mai.
Esprit rive gauche et made in France
Implantée en plein cœur du 6e arrondissement, à deux pas du boulevard Saint-Germain, des maisons d’édition et des terrasses de café chères à Aragon, Queneau, Beauvoir et Sartre; l’atelier-boutique Bourgine cultive l’esprit rive gauche. Très attachée à son quartier, Bourgine base toute son identité sur ce côté de la seine alors que la rive droite est réputée pour être le repaire des jeunes créateurs.
Lorsqu’elle quitte le Périgord à quinze ans, elle s’installe dans le 6ème et ne le quitte plus : « Mon but n’est pas d’être la mini ambassadrice du 6e arrondissement, mais c’est vrai que la rive gauche c’est très important pour moi » avant de temporiser sur le choix de l’emplacement : « je pourrais te dire que je voulais faire quelque chose hors des sentiers battus et ne pas m’installer dans une rue ultra-commerçante, mais pas du tout. C’est juste que je suis tombée sur une super opportunité, l’emplacement était vraiment accessible et correspondait à mes goûts en termes de quartier » dit-elle amusée.
Véritable écrin d’intimité, la boutique Bourgine attise la curiosité des passants mais les impressionnent : « Les gens n’osent pas rentrer et ne veulent pas nous déranger, on doit parfois les inviter à entrer ».
Bourgine se réclame d’un style intello-chic qui se retrouve dans ses influences : « j’ai toujours été attirée par l’art soviétique ». Mais c’est avant tout le travail de Sonia Delaunay, que Caroline Bourgine admire « tout ce qu’elle a fait me plaît, ses textiles et ses peintures. C’est cet esprit transversal, sa personnalité très complète que j’apprécie chez Delaunay ». On arrive d’ailleurs à déceler quelques références à Delaunay dans le travail de Caroline, par exemple, les couleurs et la juxtaposition des motifs imprimés. Une certaine audace en somme.
Au-delà de la rive gauche, c’est Paris qui est important aux yeux de la jeune créatrice. Tous les vêtements sont confectionnés dans un atelier aux portes de Paris, à Pantin. Toujours avec humour, elle se dit « patriote et paresseuse », puisqu’il est tellement plus simple selon elle d’avoir un atelier de fabrication à dix kilomètres de son atelier plutôt qu’à dix heures de vol.
C’est aussi une façon de renouer avec la tradition de la confection parisienne sans pour autant pratiquer des prix exorbitants. D’ailleurs, et contrairement à d’autres marques, Caroline communique assez peu sur la fabrication française de ses vêtements : «C’est tellement naturel pour moi de faire fabriquer mes vêtements en France que je ne vois pas pourquoi je devrais en faire tout un discours marketing ».
Photos: Biene Fotografiert
Par Adèle Pillon