Orage, haut désespoir
Dans une petite ville à la frontière entre la France et l’Espagne, un homme tue sa femme et son amant.
Crime passionnel, acte de désespoir ou moment de folie, le film ne s’attarde pas sur les raisons de cet
acte mais ses conséquences.
La ville et ses environs se retrouvent ainsi bloqués, autant par l’orage que pour cerner le criminel en
cavale. Les vacanciers en route vers l’Espagne se voient contraints de camper dans l’hôtel de la ville ;
parmi eux, un couple au bord de l’implosion.
Librement adapté de l’oeuvre de Marguerite Duras Dix heures et demi du soir en été (éditions
Gallimard), le film de Fabrice Camoin utilise, comme le faisait l’écrivain, le fait divers comme trame
narrative. Semblable à un livre de Duras, Orage privilégie les images aux mots, les sons à la voix – un
habillage sonore d’ailleurs nettement appuyé pour évoquer le sentiment d’oppression qui règne en
maître sur le film : violons, bourdonnement incessant, tonnerres, pluie diluvienne.
Au sein d’une ville sous tension, le couple lui-même sous tension (interprété par Louis-Do de
Lencquesaing et l’ancienne Robins des Bois reconvertie en actrice dramatique demandée, Marina Foïs)
se retrouve à passer la nuit dans un hôtel surchargé, ironiquement nommé Le Mirage. Marina Foïs –
Maria – tente de supporter sa vie actuelle à coup des degrés d’alcool qu’elle additionne ; le hasard lui
fait croiser le chemin de Nabil (le toujours très juste Sami Bouajila), le meurtrier recherché et
déboussolé, qu’elle décide impulsivement d’aider.
Si le spectateur a un sentiment de déjà-vu chez Maria – la bourgeoise déprimée alcoolique – il accepte
de la suivre dans sa fuite en avant. Car c’est bien une fuite en avant pour ces deux personnages
ordinaires devenus, en l’espace d’un instant et un peu malgré eux, hors-la-loi. Traversant la frontière,
roulant au creux de montagnes étourdissantes, Nabil et Maria ne se rapprochent pas pour autant : si lui
finit par assumer son geste et n’aspire plus à vivre, elle refuse d’assumer sa réalité et aspire au contraire
à le faire vivre pour ne pas retourner en arrière. Un seul même voyage pour deux raisons différentes.
Ainsi, Orage n’est pas le film d’une rencontre mais celui d’un croisement, entre deux isolements. Et
sans doute la principale éclaircie de ce film au titre évocateur, revient à la performance, comme souvent
pleine de grâce, de Marina Foïs.
Victoria Mas
De Fabrice Camoin
Avec Marina Foïs, Sami Bouajila
Sortie le 7 Octobre 2015
Durée 1h23
Semaine de la Critique Cannes 2015