Interstellar: la critique

“Love is the one thing that transcends time and space.”

Brand dans Interstellar.

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Je suis sonné…

Je regarde autour de moi l’air hagard et je vois les gens quitter la salle de cinéma dès le générique de fin. Comme ça, l’air de rien. Comme s’ils venaient de voir un film “normal”. Mais comment font-ils ?? Moi, je me sens complètement lessivé. J’ai le tournis et les jambes en coton. Si je me lève trop vite, je vais me faire un claquage ou me péter un truc. “Allez-y, partez devant, les mecs. Je vous rejoins. Non non, c’est bon, m’attendez pas. Moi je vais rester là un peu. Je vais réfléchir tranquille, faire le point.”

Première réaction à chaud : Interstellar ne m’a pas laissé indemne. Plutôt le contraire même. Il m’a tellement mis sur le cul que je n’arrivais même plus à me lever, c’est pour te dire ! Bon déjà, trois heures de ciné avec son THX Dolby Super Surround 2.0, c’est sûr que physiquement, ça affecte. Mais là, vu l’Odyssée (et je pèse mon mot) dans laquelle je me suis fait embarqué, je peux te dire que je suis pas près de retourner faire un jogging de sitôt. En même temps ça tombe bien, je fais pas de jogging (je fais ce que je veux). Bref… Une fois mes esprits retrouvés à la sortie de ce vortex, une fois passée cette étrange ivresse des premières minutes suivant le visionnage, force est de constater que je viens de vivre une expérience de cinéma à part entière, un éprouvant voyage dans plusieurs dimensions à la fois.

Dans un futur pas si lointain mais pas vraiment proche non plus (c’est bon, vous situez ?), l’Humanité est au bord de l’extinction. On a beau avoir transformé la planète en une gigantesque exploitation agricole, rien n’y fait : y a plus rien à bouffer. Bravo, les mecs ! Voilà ce qui se passe quand on tire trop sur la corde. C’est pas comme si on vous avait pas prévenu pourtant ! C’est malin, va falloir changer de crèmerie maintenant ! Du coup, le pauvre Cooper (Matthew McConaughey), un ancien ingénieur-pilote de la NASA devenu fermier comme tout le monde, INTERSTELLAR se retrouve confronté à un dilemme typiquement cornélien : rester à bouffer du maïs à chaque repas avec son fils et Murph, sa géniale petite rouquine de fille avec qui il a une relation très fusionnelle, OU conduire une grosse fusée avec des scientifiques dedans et sauver le genre humain. Vous voyez dans quelle inextricable situation vous nous avez encore foutus ?? Ca m’énerve ça !

Pas besoin d’avoir vu la (les) bande-annonce(s) ni l’affiche du film, le titre à lui seul permet de comprendre que Cooper n’a pas fait le choix de rester sur Terre à jouer le bouseux dans ses champs de maïs pendant trois heures. Il opte bien évidemment pour le télescopage immédiat dans les étoiles et l’exploration d’autres galaxies afin de trouver une nouvelle maison pour les copains et surtout pour ses enfants, à qui il a promis de revenir… un jour… peut-être… on verra… En tout cas, il nous emmène avec lui. Ça y est, nous voici dans l’espace.

Interstellar

Après l’assourdissant bordel terrien et le décollage de la fusée, le silence de l’infini est presque apaisant. Heureux d’avoir quitté cette Terre toute en agressions et dépouillée de ses promesses, me voici enfin au calme. Aaaahh, la Terre vue des étoiles. Les légères notes de piano qui s’ajoutent au spectaculaire paysage de l’anneau de Saturne… C’est beau, putain !

Tu parles ! Rapidement, les scientifiques me cassent mon trip et se mettent à causer théorie de la relativité, courbure spatio-temporelle, disques d’accrétion, champ gravitationnel électro-je-sais-pas-quoi et autres trous noirs et trous de ver. Voilà, ça y est, je comprends plus rien. Ben ouais mais c’est-à-dire qu’Einstein et la physique quantique, ça n’a jamais été trop mon truc en fait. L’espace d’un tout petit instant, j’ai vraiment cru que j’allais me faire larguer par la gravité de la situation… Mais ce serait sans compter sur le sens du spectacle de l’ami Christopher.

Car oui, c’est finalement bien là que Nolan réalise un véritable tour de force. Il mélange un environnement scientifiquement complexe et détaillé avec de sensationnels moments de suspense. Il superpose aux considérations métaphysiques sur la place de l’Humanité dans l’Univers (Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?) une trame pleine d’émotions touchantes à l’échelle de l’individu. Appuyé par un casting cinq étoiles et jouant parfaitement avec les images, les sons et la musique, il crée ainsi un blockbuster éblouissant, accessible, intelligent et immersif, situé quelque part entre Gravity (2013) et 2001 : l’Odyssée de l’Espace (1968). Rien que ça.

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Difficile en effet de ne pas penser à plusieurs reprises au monument de Kubrick. De toute façon, il a plutôt tendance à revendiquer cette influence. Et bien d’autres encore : Star Wars (1977), Alien (1979), Blade Runner (1982), etc. Autant de références affirmées par Nolan qui se retrouvent par exemple dans le design des vaisseaux ou avec la présence des robots, des automates monolithiques qui s’avèrerront bien utiles dès qu’il s’agira de détendre l’atmosphère en balançant des vannes bien senties. Et pour d’autres trucs aussi… Pour ma part, les mesures à l’orgue dans certains passages de la bande originale – composée presque à l’aveuglette par Hans Zimmer – m’ont carrément rappelé la scène finale d’Akira (1988). Mais là, je m’emballe un peu… Quoique, c’est peut-être pas si con en fait. Je lui poserai la question au prochain apéro.

Interstellar, c’est donc la magnifique histoire, aux confins de l’espace-temps, du dernier sursaut de l’Humanité, sous ses différents visages, alors qu’elle se retrouve au pied du mur. Mais c’est aussi le poignant récit du combat d’un père, poussé à l’action par ce qu’il a de plus humain en lui : l’amour pour ses enfants.

Serait-ce également le sursaut d’orgueil d’un Hollywood désireux de prouver à son public qu’il est encore capable de proposer des blockbusters ambitieux, ingénieux et n’ayant strictement rien à envier (bien au contraire) aux plus grosses productions US – un poil bas-du-front – du moment ? C’est un peu l’effet que ça me fait… Qu’ajouter de plus à cela à part un grand “Merci monsieur Nolan !”

Avec Gone Girl (2014), j’avais le sentiment d’avoir vu LE film de cette fin d’année 2014. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a été détrôné vite fait bien fait. Et pour longtemps !

Allez, salut !
Interstellar-by-Simon-Delart

 

Par Phil Hungus

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