Critique Cinéma de Victoria Mas
Mon Roi, autopsie d’un amour
C’est l’histoire d’une rencontre, celle entre un homme et une femme ; ils tombent amoureux, beaucoup,
s’aiment, passionément, puis se déchirent, à la folie – en somme, c’est l’histoire la plus vieille au monde,
l’intrigue la plus exploitée en littérature et au cinéma, sans doute parce qu’elle est la plus universelle et
pourtant, et surtout, la plus impénétrable.
Dans ce thème cent fois vu et revu de la passion amoureuse destructrice, l’intérêt se situe moins dans
l’histoire que dans son traitement. Et qui d’autre plus à même de susciter l’intérêt, au cinéma, que la
réalisatrice Maïwenn, dont les films précédents ont été applaudis par les médias et le public pour leur
originalité et leur style? Il est peu dire que son dernier long-métrage Mon Roi (présenté à Cannes cette
année), était attendu au tournant.
Le film épouse sans complexe la trame narrative basique du film d’amour (du coup de foudre mutuel, à
l’intensité des débats sexuels, au début de l’érosion du couple, aux multiples tentatives de réconciliation,
jusqu’à la destruction et l’auto-destruction inévitable) ; ce qui distingue ce film d’un autre est bien sa
réalisatrice (dont le nom seul aujourd’hui sonne comme valeur sûre) : le regard qu’elle pose sur ses deux
personnages, pas complaisant mais empathique ; son humour décalé, aussi, qui apporte au film une
légèreté nécessaire pour éviter le trop sérieux et le trop plombant ; mais surtout, c’est sa direction
d’acteurs qui, sans aucun doute, s’affirme comme son talent premier.
On prend plaisir à découvrir Vincent Cassel dans un rôle un peu plus normal que ceux qu’il endosse
d’habitude ; il interprète avec aisance le charismatique et narcissique Georgio, auto-proclamé “roi des
connards”, face à une Emmanuelle Bercot lumineuse (récompensée à Cannes par un prix
d’interprétation) qui interprète une Tony amoureuse mais désemparée. Mention méritée à Louis Garrel,
lui aussi utilisé à contre-emploi de ses personnages taciturnes habituels, ici faux-loser et drôle frère de
Tony.
Malgré la performance impeccable des acteurs, le film s’essouffle en deuxième partie et perd sa
dynamique du début pour traîner en longueurs et redondances – prouvant, une fois encore, que le thème
de l’amour destructeur est bien l’un des plus difficiles à traiter.
PORTRAIT DU PRIX D’INTERPRETATION FEMININE CANNES 2015 : EMMANUELLE BERCOT
Devant la caméra :
Si Emmanuelle Bercot ne compte pas une longue filmographie en tant qu’actrice, celle-ci est néanmoins
prestigieuse : elle tourne sous Claude Miller (La Classe de neige, 1997), Claude Lelouch (Une pour
toutes…, 1999), Benoît Jacquot (À tout de suite, 2003) et Guillaume Canet (Les Petits Mouchoirs,
2009). C’est Polisse, sa première collaboration avec Maïwenn, qui la fera découvrir au grand public en
2010.
Derrière la caméra :
Après une formation à La Fémis, Emmanuelle Bercot se lance dans la réalisation. Elle réalise pour
Canal + Mes Chères études (2010), qui aborde la prostitution étudiante ; son premier long-métrage Elle
s’en va (2013), est sélectionné à la Berlinale 2013 ; enfin, c’est La Tête Haute qui l’établit en tant que
réalisatrice confirmée, en ouvrant le Festival de Cannes 2015 et présenté à la compétition officielle.
Mon Roi :
Emmanuelle Bercot interprète Tony, avocate qui tombe sous l’emprise du bel et infidèle Georgio : elle
veut croire à leur histoire, lutte contre ses infidélités et ses mensonges pendant dix longues et
douloureuses années, jusqu’à un accident de ski – la chute finale de leur histoire, symbolique et
littérale. Une performance qui « mérite bien son prix d’interprétation à Cannes » selon Télérama. Les
Inrocks affirme qu’elle « joue justement la partie la plus dure, toujours entre deux rythmes ». Vincent
Cassel, quant à lui, parle d’une « partenaire formidable », dotée d’une « grande générosité et une
grande abnégation. »
Mon Roi
De Maïwenn
Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel
Sortie le 22 Octobre 2015
Durée 2h04
StudioCanal Distribution
Sélection officielle Festival de Cannes 2015
Prix d’interprétation féminine Cannes 2015