Offprint

Panorama éclectique sur l’univers des publications et notamment le paysage des maisons d’édition indépendantes contemporaines, Offprint Paris est un salon de publications dédiées aux pratiques émergentes de l’Art. Durant 4 jours, du 14 au 17 novembre, il rassemble dans le magnifique décor de l’Ecole des Beaux Arts, des éditeurs indépendants et institutionnels venus du monde entier pour présenter des publications d’artistes, de graphistes, de photographes, d’éditeurs, de musées, d’écoles, de commissaires et de centres de recherches.

Juste magazine est allé à la rencontre de son fondateur et organisateur, Yannick Bouillis, pour en savoir plus sur sa démarche.

Questions à Yannick Bouillis, fondateur d’OFFPRINT (Salon du Livre d’Artiste et de l’Edition Indépendante)

Qu’est ce qui vous a poussé à créer OFFPRINT ? Pourquoi ? Quel a été votre parcours avant la création d’OFFPRINT?

L’idée d’Offprint est relativement simple et part d’un constat: il y aujourd’hui un dépassement des cadres traditionnels de l’Art, dépassement des « médiations » classiques comme le sont les musées ou les maisons d’édition (au sens traditionnel d’un auteur, un éditeur, un livre). Cela a été permis par l’apparition déstructurante des nouvelles technologies. Ce que l’on a vu à l’oeuvre en politique – une nouvelle circulation des informations et des structurations politiques, via facebook, twitter, les blogs, dépassant le cadre des institutions publiques et qui a permis notamment les révolutions arabes – est aujourd’hui à l’oeuvre dans l’Art: les artistes, les photographes, les graphistes, voire même le monde du Commentaire du l’Art s’affranchit des cadres traditionnels d’expression pour défendre sans ces médiations leur point de vue: internet, via les facilités offertes pour publier (online ou en imprimé) a libéré la « parole » en art contemporain.

Offprint, c’est simplement ça: une parole qui définit ses propres modes d’énonciation, qui développe ses propres médiations…avec efficacité et surtout, authenticité, je crois. C’est probablement parce que j’ai été journaliste, après un parcours en philosophie, que je me suis rendu compte de la manière dont ce qui est dit est reformulé systématiquement – par forcément avec malice d’ailleurs – néanmoins souvent reformulé, parfois dégradé pour être clair.

Pouvez vous nous parler d’OFFPRINT. Comment fonctionnez-vous ? Qui accueillez vous durant OFFPRINT (éditeurs indépendants et/ou artistes et/ou librairie d’art  ?). Faites vous une sélection ou pas vraiment ? 

Je fonctionne assez simplement, puisque je suis seul. Même si être seul avec soi même peut être pénible parfois. Être seul n’est en fait possible que parce que je ne suis à l’initiative de rien, que je constate un phénomène très puissant, déstructurant pour le monde de l’Art et restructurant à terme, dans de nouvelles conditions et que je tente de le saisir le temps d’un événement. Si cela n’avait pas lieu hors de moi, cela n’aurait pas lieu du tout: je n’ai créé aucun monde. Ce qui fait que je ne sélectionne pas à Offprint, mais que « ça » sélectionne: d’une certaine manière, un éditeur qui participe à Offprint, est un éditeur qui est là et correspond à une nécessité qui va au delà de ce que je peux penser ou pas. En général, quand j’ai le choix, quand je peux exercer mon choix, décider de la présence ou non d’un éditeur, c’est le signe que cet éditeur ne correspond à aucune réalité. Les choses s’imposent toujours. Je ne tombe pas dans l’illusion curatoriale: je ne fais personne, je ne vois rien, les choses se font.

Quand aura lieu le prochain OFFPRINT et où ? 

Les après midi du 14 au 17 novembre 2013 aux Beaux-arts de Paris, 14 rue Bonaparte 75006 Paris

Pouvez vous nous parler de vos goûts personnels? Quels sont les trois ou quatre artistes / écrivains que vous appréciez particulièrement ? 

Je lis beaucoup de philosophie en général, de philosophie morale et politique. Mon premier maître était Nietzsche, mais j’ai découvert Sénèque il y a quelques années, qui m’a guéri de Nietzsche. Aujourd’hui les questions écologiques et notamment la question d’une morale et d’une politique liées à l’écologie m’intéresse beaucoup. J’essaye de voir aussi à quelles conditions quelque chose comme de l’art est possible dans un monde « écologique », si l’on admet que l’art contemporain est une manifestation de l’idéologie du Progrès et de la Croissance (toujours plus, toujours plus loin…). Sinon, la plupart de mon temps, je le passe à faire du sport, tous les jours ou presque, qui est mon opium quotidien: ce que la littérature représente pour beaucoup – une évasion -, je le trouve dans le sport, puisque j’ai le sentiment d’être trop lettré: c’est là que je m’exalte le plus, en faisant du sport. Et en regardant beaucoup aussi, beaucoup trop d’ailleurs.

norman

 J’imagine que vous collectionnez les livres. Pouvez vous nous faire une liste de 4 ou 5 livres qui sont dans votre bibliothèque et qui vous sont chers ? (si vous voulez bien, vous pouvez nous dire pourquoi ils vous sont chers) 

J’ai fait Offprint en vendant tous mes livres de collection ! Ça m’a permis de tenir 3 ans, c’était donc une très belle collection. Je me suis remis il y a peu à collectionner, mais en croisant le critère qualitatif et personnel: je ne collectionne plus ce qu’il faut collectionner, voire quand je me rends compte qu’un livre est à collectionner, je m’en débarrasse, comme s’il s’était corrompu. Ma collection n’est donc plus que ma collection. Je ne peux vous dire donc ce que j’achète, j’y tiens trop pour l’instant (même si je dois le dire le plaisir d’avoir découvert Liam O Gallagher et Norman Ogue Mustill récemment…ils sont connus, un peu oubliés, mais répertoriés: je peux donc jeter leur nom en pature)

norman-mustillCollages de Norman Ogue Mustill

D’après vous, qu’est ce qui donne de la valeur à un livre (son contenu? le fait que ce soit une édition limitée ? le fait que ce soit imprimé sur du beau papier?) quels sont vos trois premiers critères de sélection?

Le contenu reste pour tous, même les plus avides, la condition sine qua non. Mais il est  clair que la valeur économique d’un livre, comme pour le marché de l’art, est liée à sa rareté, et qu’aujourd’hui, la rareté fait l’objet d’une stratégie. Un très bon livre en grande quantité se vend moins cher qu’un mauvais livre rare, mais la question ne se pose que pour les gens en relation économique avec le livre finalement. Ca ne me gène pas car ça ne me concerne pas. J’ai aimé ça longtemps, je n’y suis plus, mais ce n’était pas le résultat d’une démarche morale, mais d’un simple désintérêt: je n’achète plus que les livres qui me disent quelque chose à moi. J’ai gardé l’importance quand même de l’état du livre, pas corné, pas déchiré…je n’aime pas les éditions spéciales, mais je ne  veux que des premières éditions: la seconde édition, ca me rend fou, encore!

Pensez vous que faire des livres en édition limitée soit un business ou c’est autre chose ? 

Ça ne peut être un business, car même le plus businessman du monde ne gagnera jamais d’argent avec le livre: je ne connais personne faisant un livre d’artiste qui soit devenu riche. C’est ce qui fait la supériorité du monde du livre sur le marché de l’art: l’impossibilité fondamentale de gagner de l’argent avec le livre garde ce milieu dans une sorte d’élitisme intellectuel et moral. La bibliothèque, c’est discret et cela en dit si long. Une oeuvre au mur, c’est limite beauf pour être sincère. Offprint n’a que des éditeurs dans cette idée je crois: si l’on trouve des éditions limitées et signées, c’est très souvent pour récupérer les frais de production et de continuer de produire…il s’agit de faire circuler des idées et des formes, des valeurs. Pour l’argent, mieux vaut aller dans le marché de l’art, marché contemporain des Indulgences.

Propos recueillis par Mélanie Sweeny. (fondatrice des Éditions HORROR VACUI – Paris / www.editionshorrorvacui.com )

 

Offprint Paris

Du 14 au 17 novembre 2013

Beaux-Arts de Paris

14 rue Bonaparte 75006 Paris

Jeudi et Vendredi : 13h à 20h30
Samedi et Dimanche: 13 à 19h

Entrée gratuite

offprintprojects.com