Jean, étudiant et créateur solidaire

Rencontre avec Jean, fondateur d’un projet très JusteCineWax

INTERVIEW

Qui es tu?

Je m’appelle Jean Alioune FALL, je suis étudiant en licence de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et je suis le fondateur de l’association CINEWAX.

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Peux tu nous en dire plus son ton projet solidaire. CineWax c’est une association qui a pour objet de créer un réseau de ciné-clubs de quartiers au Sénégal?

Oui, mon projet est de créer des espaces de cinéclubs modernes et solidaires dans ce pays. C’est un nouveau concept, à la fois une salle de cinéma et un espace de rencontre! On y viendra pour voir un film, échanger et débattre, se rencontrer. Notre but est l’indépendance des salles, qui seront gérées à terme par des salariés locaux: dans la programmation, l’organisation, et les activités sociales et culturelles propres à chaque quartier. On veut favoriser l’emploi local, dans une optique de développement, tout en permettant l’ accès à la culture cinématographique. On veut ouvrir notre première salle à Dakar, dans le quartier de Sacré Coeur, en février 2015.

 

Que signifie le nom de CineWax? 

C’est-à-dire à la fois Wax pour le pagne africain, et « Wax » [ouar, ouakh] – « dire, parler » en wolof. Le Wax exprime l’esprit de nos salles, vivantes, diversifiées, et colorées. La traduction du mot « ouar » en wolof, dans notre nom signifie que nos salles sont des lieux d’échange et de rencontres.

 

Pourquoi le Sénégal?

Je suis métisse sénégalais-français, et j’ai découvert mon deuxième pays d’origine à 19 ans. Après plusieurs voyages _3 à ce jour_  plus ou moins long, j’ai réalisé la nécessité de dynamiser le secteur culturel au Sénégal.

En fait, il y a un véritable paradoxe dans la culture, et spécifiquement dans le cinéma. D’abord il existe un problème dans l’accès à la culture cinématographique. Il reste moins de 10 cinémas dans le pays actuellement et l’offre de contenu culturel est très limitée, voire inexistante. Seuls les cinémas des instituts étrangers type « Institut Français » diffusent des films. Ces endroits sont généralement inaccessibles pour la grande majorité de la population par leur coût et leur localisation.

Ensuite, à l’inverse, il y a un très gros potentiel de cinéma sénégalais (et africain) inexploité! L’industrie du cinéma a un problème structurel de financement et le réseau de distribution est inabouti, si bien que de nombreux réalisateurs ne peuvent même pas diffuser leurs films! Pourtant les sénégalais sont des gens très curieux de tout, et intéressés par le cinéma. En outre, le cinéma sénégalais a connu son âge d’or dans les années 50 – 60, et fonctionnait très bien, avec des réalisateurs comme Ousmane Sembène, ou Djibril Diop Mambéty. Mais aujourd’hui, on ne connait presque aucun réalisateur sénégalais, même au Sénégal.

Notre projet est donc de mettre en valeur le cinéma sénégalais et africain, mais aussi permettre un accès au cinéma dans son ensemble pour assouvir cette soif de connaissance! Nos films seront d’origines internationales, et de qualité; aussi bien américain, que Nollywood, ou Bollywood, on accepte tout! Le mot d’ordre est « diversité ».

Pour ma part, j’estime que le cinéma à une part importante dans ma vie, et fait partie des arts qui construisent la pensée, façonnent notre vision du monde, et ainsi est nécessaire à chaque individu.

A l’ère d’internet et de notre monde mondialisé, je ne vois pas pourquoi certains seraient coupés de cette source de culture, seulement pour des questions de géographie!

A cela s’ajoute les problèmes économiques courants, et le chômage, qui touche très fortement les jeunes.

Ce projet entend réunir les deux aspects: culturel et social. On veut donc employer des gens grâce à l’activité de notre salle!

On a déjà pu réaliser une video à Dakar en collaboration avec la réalisatrice sénégalaise Kady Diedhiou, et aller à la rencontre de notre futur public.

Et en France quelles seront les activités de Cinewax?

En France, on organisera des soirées très sympa, aussi une sorte de nouveau concept: Soirée projection-débat-concert! On essayera de mettre l’accent sur le cinéma africain et sénégalais très peu connu en France, et en occident de manière générale.

 

Où en est ton projet aujourd’hui?

J’ai constitué une équipe de 17 personnes depuis le mois de novembre 2014, en faisant des rencontre sur des réseaux sociaux. Il y des étudiants en cinéma, en école de commerce, en droit, ou encore des personnes qui travaillent. Des sénégalais, des français, et d’autres origines: des profils très variés!

On a fait notre soirée de lancement au Comptoir Général le 5 janvier dernier, pour récolter des dons en partenariat avec Kiss Kiss Bank Bank (les dons ce soir là nous étaient reversés). Notre campagne de crowdfunding est en cours et se termine le 31 janvier 2015!

Aussi on a beaucoup d’idées à mettre en pratique. Nos actions sociales: cours de langues, entrée gratuite pour les enfants Talibés, invitations d’artistes et d’artisans, etc.

On veut aussi créer un projet moderne: ça passera par le développement d’une application iOS/ Android/ Web pour gérer nos membres. Inclure notre initiative dans le monde d’aujourd’hui, et former des gens localement à l’utilisation des technologies pour l’organisation de la salle.

Actuellement on essaie d’obtenir des contacts dans le milieu du cinéma (réalisateurs, maisons de production et de distribution, acteurs, etc..) afin d’obtenir des films et du soutien!

C’est la phase la plus importante du projet, mais aussi la plus excitante, car c’est le moment de voir les choses se concrétiser. On apprend aussi beaucoup au fil des rencontre, et on sait mieux gérer certaines situations!

On recherche aussi des partenaires associatifs, ou des entreprises ou organismes institutionnels qui pourraient nous soutenir. C’est un gros boulot! Les partenariats avec les associations locales sont très importants, car notre philosophie est d’inclure les acteurs de la société sénégalais à chaque étape de notre activité.

On a déjà un certains nombre de partenaires officiel, et d’autres en construction, en France (le répertoire Bellefaye, la société VLS, le festival Nio Far, Afrostream) et au Sénégal (La société AgenDakar, plusieurs associations de quartiers).

Des artistes reconnus et des parrains prestigieux nous soutiennent déjà, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant!

 

Quels sont les challenges et tes motivations par rapport à Cinewax?

Mon challenge principal est de faire parvenir ce projet auprès de la communauté du cinéma à un niveau international (car c’est vraiment l’objet de notre cinéclub), et aussi relever les défis locaux du suivi de projets.

En effet, j’entends partout « Africa is the future », mais quand on observe certaines réalités locales, on se rend compte que c’est beaucoup plus complexe que ça! Ici de l’autre côté de la mer, on fantasme beaucoup sur l’Afrique.

Récemment, la psychose du virus Ebola, a eu un impact effroyable sur les projets en Afrique! Beaucoup ont quitté le navire par peur d’attraper une maladie qui touche moins de 4000 personnes sur tout le continent. Heureusement, aujourd’hui, on n’en entend plus parler !

Aussi, j’ai vu tant de projets avorter pour des problèmes de corruption, ou pour de simples questions d’organisation et de délais non respectés. On entend beaucoup d’histoires sur le suivi des projets d’aides internationales non respecté, le détournement des fonds.

Les pays africains ont des problèmes structurels à régler, au niveau de leur économie et de leur gouvernance, sans même évoquer la corruption. Beaucoup d’Etats vivent au crochet d’aides internationales et de missions locales; mais cela ne suffit pas à régler les problèmes locaux d’organisation. En fait, le problème vient des deux côtés, à la fois dans l’appréhension des nations occidentales des problèmes africains, et aussi dans l’organisation locale pour résoudre ces problèmes. On pourrait écrire un livre sur ce sujet (il y en a déjà beaucoup!).

Maintenant, je sais qu’il y a énormément d’initiatives privées, et je crois, qu’à l’inverse des Etats, ces volontés éparses (pour le moment) sont capables d’énormément de choses, et d’accélérer le développement de l’Afrique dans son ensemble. Je fais partie d’une communauté, « Startup Africa Paris » qui comprend beaucoup de ces gens-là.

Personnellement, je veux me concentrer sur l’avenir, le positif, ce qu’il y a à faire.  Notre mot d’ordre c’est donc une volonté de développement mais en conservant un certain niveau de rigueur et d’exigence! On ne pourra pas fournir un service de qualité sans cela!

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Tu te dis quoi dans le miroir le matin ?

« Je suis beau! » (ahah)… Non plutôt des phrases banales (mais qui marchent) du genre « You can do it! » ou « Il reste tant à faire! ». Je suis plutôt optimiste de nature!

 

Quelle est la décision la plus importante que tu aies prise ?

Mettre de côté mes études cette année pour réaliser ce projet. Et lancer la page facebook en novembre dernier, alors que j’étais encore seul à travailler sur le projet. Je me suis mis un coup de jus pour m’obliger à lancer le projet! Cela ma permis de recruter sur les réseaux sociaux les membres de mon équipe (17 personnes). J’avais vraiment les chocottes de créer une page facebook qui ne fonctionnerait pas. Aujourd’hui on est presque 1000, depuis 3 mois, et j’espère que ça va continuer!

 

Quelle est ta devise ?

La vie est belle.

 

Ton pire cauchemar ?

J’en ai plus d’un!. Je choisirais, mourir trop jeune.

 

Ton bruit préféré ?

 La pluie dehors quand je suis dans mon lit.

 

Ton dernier fou rire ?

Je rigole tout le temps! Je prends la vie du bon côté! Mais je ne me souviens pas de mon dernier fou rire!

 

De quoi ne te sépares tu jamais ?

Mon portable, et mes clés!

 

Ton app indispensable ?

Je ne suis pas très App (j’ai un Wiko, pas très efficace). Je dirais « messenger » de facebook pour contacter les gens à tout moment!

 

Qu’est ce qui te révolte le plus ?

L’injustice.

 

Ton artiste préféré ?

Question piège. J’utilise le Joker: « mes » artistes préférés sont James Brown, Miles Davis, Jimi Hendrix (je suis assez rétro). Ah quand même, dans les artistes récent, il y a Keziah Jones et Joey Badass! Mais on a parlé que de la musique là!

 

Ce qui te met à l’aise ?

Pas grand chose, mais les gens qui mendient dans le metro me rendent triste.

 

Ce qui t’énerve ?

Etre payé au travail pour ne rien faire. Les transports en commun en retard! ( le RER A – oui j’habite en banlieue!)

 

Le mot de la fin ?

Soyez heureux! Et allez voir notre page KKBB et facebook, on a besoin de vous!

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